Gabriel regarde le ciel s'assombrir. L'obscurité s'installe inexorablement comme le temps qui passe.
Il aime ce moment paisible, la vue de son cimetière et le calme des morts. Le seul son qu'il entend est celui de son souffle qui rejette la fumée de sa cigarette. Elle s'envole au-dessus de lui, créant un voile blanc tel un linceul éphémère.
Cette nuit, il sort. Il lui faut se préparer.
Une ombre se tient là, à la fenêtre, dans la demeure de Gabriel Une silhouette de femme, vaporeuse, éthérée et irréelle. Elle semble porter une longue cape noire dont la capuche lui cache le haut du visage.
Gabriel ressent le froid qu'elle dégage dans la pièce. C'est toujours ainsi quand elle apparait. Elle le hante depuis 9 ans.
- Que fais-tu ici Éléonore ? je n'ai pas le temps pour tes remontrances habituelles. Dit-il en se servant un verre de cognac.
- Tu auras un jour toute l'éternité pour les entendre et je me ferais un plaisir d'être ton enfer Gabriel. Dit-elle sans bouger de la fenêtre.
- Je ne connaitrai pas la mort et tu le sais.
- Cela ne m'empêchera pas de te hanter pour l'éternité. Dit-elle alors que sa bouche dessine un rictus malsain.
Gabriel respire fort. Il regarde son reflet dans le miroir et voit le fantôme d'Éléonore se diriger dans sa chambre. C'est justement là qu'il doit aller pour se préparer à sortir.
- Tu le fais exprès n'est-ce pas ? Dit-il en lançant sa veste noire juste à côté d'elle sur le lit.
Elle se contente de rire gravement, d'une vois d'outre tombe.
- Elle est revenue et plus rien d'autre ne compte.
- Tu te berces d'illusion Gabriel, comme toujours. Et que vas-tu faire de Lili ? lui réserves-tu le même sort qu'à moi ?
Gabriel s'habille sans regarder le fantôme sur son lit.
- Je ne sais pas Éléonore. Dit-il en mettant ses boutons de manchettes.
Le fantôme apparait alors derrière lui. Il sent son souffle froid sur ses épaules.
- Oh si tu le sais, Gaby.
- Ne m'appelle pas comme ça ! dit-Il en se retournant vers elle, en colère.
Mais le fantôme n'est plus là. Elle a disparu.
Oui, il sait le sort qu'il réserve à Lili, mais il n'aime pas qu'on lise dans ses pensées les plus macabres.
Vêtu totalement d'habit gothique noir, Gabriel prend la route. La nuit est sombre et bien entamé lorsqu'il arrive sur le lieu de la soirée. Un vieux manoir perdu après la forêt, mais non loin d'elle.
Il y a beaucoup de monde, des gens gothiques, des gens pâles et livide. Dans les buissons aux alentours, il se passe des choses pas très catholiques. On pourrait croire à des actes indécents, mais pas comme vous le pensez. Des bruits de sucions se font entendre près de la porte. Un homme est penché sur le cou d'une femme qui trésaille. Il relève son visage en entendant Gabriel arriver. Sa bouche est pleine de sang.
Gabriel le regarde à peine, il est habitué à cela et le sang est loin de l'effrayer.
L'entrée du manoir est classique et baroque avec des tentures de couleur rouge, surement pour cacher le sang. Il se dirige comme chez lui, avec sa canne, d'une marche lente, mais assurée. C'est un habitué des lieux.
En haut d'un escalier de marbre, une femme à la chevelure rousse et flamboyante le regarde. Elle est belle et semble sans âge. Elle descend l'escalier avec élégance dans sa longue robe moulante en dentelle qui cache à peine son corps nu en dessous.
- Gabriel, je suis ravie que tu sois là ce soir.
- Je ne pourrais pas rater l'occasion de faire la fête avec vous tous. Dit-il avant de lui faire un baisemain dans les règles de l'art.
- Lili est déjà arrivée et elle est venue accompagner apparemment.
- Vraiment ?
Il est étonné. Jamais Lili n'est venue le rejoindre, accompagner d'un invité surprise. Une offrande sans nul doute pour la soirée. Il ne tarde pas à découvrir de qui il s'agit.
Lili danse au milieu de la piste sur une musique langoureuse et sombre. Elle aussi est vêtue de noir et de dentelle et celle avec qui elle danse aussi. Le cœur de Gabriel s'arrête net lorsqu'il voit que c'est Naomi.
Pourquoi Lili l'a amené ici ? Dans un piège de vampire. La jeune femme rousse est intriguée par sa réaction.
— Cette jeune femme est magnifique. Je pense que je vais me la réserver pour cette nuit. Dit-elle en avançant vers les deux femmes.
- Non Astoria ! s'écrie Gabriel
La jeune femme s'arrête et se tourne vers lui avec des yeux noirs.
- Tu ne t'interposerais pas entre un vampire et sa proie ?
La menace est réelle et Gabriel le sait. Comment sortir Naomi de ce piège ?
Lili apercevant Gabriel, se précipite sur lui alors qu' Astoria s'avance vers Naomi dangereusement. Les deux femmes se regardent, il y a comme un courant qui passe. Elles dansent ensemble de façon sensuelle et rapprochée. Gabriel tente de voir ce qu'il se passe mais Lili l'en empêche.
- Pourquoi l'as-tu amené ici ? pourquoi elle ?
- C'est une offrande pour Astoria.
Gabriel la regarde avec le plus grand des mépris.
- Quelle imbécile !, lui dit-il, juste avant de lui infliger une claque monumentale.
Lili est humiliée en public par l'homme qu'elle aime et admire. Ses yeux se gonflent de larmes amères alors qu'elle se tient la joue. Il la laisse là au milieu de vampires qui la regardent et d'humains perdus comme elle et Gabriel.
Naomi et Astoria ont disparu de la piste de danse. Gabriel tente de se frayer un chemin entre les personnes vivantes ou à demi-morte qui dansent sans se soucier de lui. Il a beau chercher, il ne les voit pas.
Il y a tant de pièce dans ce manoir et seule Astoria en connait les secrets. Elle a isolé Naomi dans une salle qui ressemble à un boudoir. Naomi est bluffée par l'élégance des lieux.
- Vous aimez cet endroit loin de la foule, n'est-ce pas ?
- Oui, en effet, j'aime la fête, mais jusqu'à un certain point.
Astoria lui sourit tout en lui servant du vin rouge dans un verre de cristal sculpté dans un style baroque.
- Je n'ai pas saisi votre nom ? demande-t-elle avant de le porter à ses lèvres.
- Astoria. Ce manoir est ma propriété et j'aime y faire des fêtes. Et le vôtre ?
- Naomi, je suis venue avec Lili.
- Naomi... c'est étrange, ce prénom ne vous va pas du tout. Comme s'il était une couverture mal posée.
- Pardon ?
- Non rien, je pense à haute voix.
Elisabeth la regarde intensément. Ses pupilles semblent devenir de plus en plus sombres.
- Ce vin est délicieux, mais il me fait tourner la tête, j'en ai peur. Dit-elle en le reposant maladroitement sur le guéridon à côté d'elle.
Quelques gouttes tombent au sol dans une lenteur inhabituelle. Naomi se sent de plus en plus mal. Elle fait un malaise et elle se sent partir. Juste avant, elle voit Astoria se lever.
- Tu es un magnifique cadeau Naomi.
Le vampire se jette sur son cou et commence sa succion alors que les forces de Naomi l'abandonnent. Mais, Astoria s'arrête brusquement. Quelque chose ne va pas.
Elle retire ses crocs du cou de la belle qui git sur le sol presque inconsciente.
La porte du boudoir s'ouvre en grand. Gabriel est là, ayant pris son courage à deux mains pour sauver Naomi d'une mort certaine.
Mais il trouve également Astoria, étonné, le regard fixe.
- Cette fille… Dit-elle en la pointant du doigt. Elle n'est pas humaine.
Gabriel est penché sur le corps de Naomi, il a laissé tomber sa canne et tente de l'assoir sur le fauteuil. Il y parvient, mais pas sans difficulté. Naomi prononce des mots à peine audibles.
- Que dites-vous Astoria ? Dit-il en reprenant son équilibre et sa canne.
- Cette fille que tu défends avec ardeur n'est pas un être humain. Son sang est différent de celui des humains.
Gabriel sous le choc, ne peut prononcer aucun son. Il donne beaucoup de crédit à Elisabeth qui est un vampire ancien et qui a parcouru la planète plus d'une fois.
- Elle a vu une chose qui m'intéresse Gabriel et pour te pardonner de ton insolence, tu vas résoudre cette énigme pour moi et de jour.
Elle s'approche de lui a une vitesse surhumaine et le tient par la mâchoire.
- Elle a vu une porte ancienne dans une grotte avec des symboles inconnus gravés dessus. Il y a des cristaux énormes dans cette grotte. Trouve où elle est. Fait en sorte qu'elle t'y conduise et tu auras ta récompense.
La récompense.
Le Graal de Gabriel. La vie éternelle dans les ténèbres.
Qu'aimes-tu le plus Gabriel ? Naomi ? ou la vie éternelle ?
À cette question dans son sa tête, il répond par un sourire malsain.
La promesse de cette existence, il la cultive depuis la mort d'Éléonore. C'est après ce drame qu'il a connu ce clan de vampire.
Il est devenu leur homme de main en quelque sorte. Il se débarrasse des cadavres en les brulant dans son crématorium et il adore cela.
- Ramène là chez elle. Je ne préfère pas la tuée de suite. Je veux savoir qui elle est.
Elisabeth peu avoir des visions en buvant le sang de ses victimes, c'est son don obscur comme l'a si bien décrit Anne Rice dans ses livres.
Le matin est bien entamé lorsque Orphel arrive à la cabane, inquiet de ne pas avoir vu Naomi venir travailler ce matin.
À sa grande surprise, c'est Gabriel qui lui ouvre la porte. Il est torse nu et reboutonne son pantalon qu'il vient visiblement de remettre.
L'air agacé, Orphel lui indique être inquiet de ne pas avoir vu Naomi au travail ce matin.
Gabriel comprend qu'il croit qu'elle a passé la nuit avec lui et il compte bien en joué.
- Elle dort encore, la nuit a été courte. Dit-il en souriant.
Orphel se retient.
- Elle va bien ?
- Oh que oui, elle va très bien. Je pense que tu pourras compter sur elle demain.
- Très bien.
— Autre chose ? demande Gabriel sur le point de refermer la porte.
- Non, je ne vous dérange pas plus longtemps. Dit-il en tournant les talons, énervé.
Gabriel se félicite pour ce quiproquo, en réalité, il a passé la nuit sur le canapé du salon.
Il entend du bruit dans la chambre de Naomi, elle est debout et regarde par la fenêtre.
- Bien, tu es réveillée ! on va parler un peu. Dit-il en refermant la porte de la chambre. Son ton est autoritaire et menaçant. Mais Naomi se retourne vers lui avec un air assuré.
- Oui Gabriel on va parler. Dit-elle en pointant une arme à feu sur lui.
Il ne s'attendait pas à ça.
- C'est ridicule Naomi.
- Je sais très bien tirer, on n'a pas une arme chez soi sans savoir s'en servir Gabriel.
Il se met à rire.
- Tu ne tireras pas mon amour
- Arrête Gabriel ! tu es un obsessionnel ! tu es malade !
- Oui, je n'attends que toi Naomi. Je n'aime que toi.
Il tente d'avancer d'un pas.
- Ne t'avance pas plus où je tire.
Il rit à nouveau et avance. Le coup part. La balle atterrit près de son pied gauche. Il se stoppe. Visiblement elle a dit.
- Je peux te faire l'autre jambe si tu veux Gabriel !
- Si tu veux ma chérie, je me régénérerai après mon changement.
- Pas si je te tue.
- Toi ? commettre un meurtre ? tu en es incapable. Moi, en revanche, je ne les compte plus. Dit-il en s'asseyant sur le lit en tournant le dos à Naomi.
- Tu es un grand malade.
- C'est pour ça que je ne peux pas mourir. Elle me hante et m'attend pour m'emmener en enfer avec elle. Je n'ai jamais aimé Éléonore.
- Tu vas t'habiller et sortir de chez moi et ne plus jamais revenir Gabriel. Si je te recroise, je te tue et si tu n'es plus humain alors, je te planterai un pieu dans le cœur, soit en certain. Je ne suis pas amoureuse de toi !
Il le sait, mais il ne peut s'y résoudre. Le temps fait toujours son affaire. Pour lui, elle finira par l'aimer.
- Je vais partir, mais sache qu'Elisabeth ne te lâchera pas et je t'avoue que j'aimerais savoir qui tu es vraiment.
Il finit de s'habiller et sort de la cabane en marchant lentement avec sa canne sur le pont de bois sans se retourner. Il part ainsi à travers la forêt et malgré son handicap, comme un vautour titubant vers son funeste destin.
Dans la maison, Naomi s'effondre en larmes. Elle sait que Gabriel ne s'arrêtera pas là.
Dans un grand fracas, sa porte s'ouvre et heureusement, c'est le visage amical d'Orphel qui est revenu après avoir entendu le coup de feu.
- Il faut que tu viennes au château avec moi, sinon ils ne te laisseront pas tranquille.
Il sait.
- Est-ce que je peux te faire confiance ? qui es-tu Orphel ?
- Tu vas bientôt le savoir, je suis un ami.
Il lui propose de venir s'installer quelque temps au château des Hautefeuilles. Naomi prend toutes les affaires avec lesquelles elle est venue. Son instinct lui dit qu'elle peu lui faire confiance.
Elle regarde la rivière en partant. Elle sait qu'elle ne reviendra pas à la cabane. Il lui faudra pourtant percer le mystère de cette porte de pierre.
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