Les directives sont simples. Les agents des pompes funèbres qui travaillaient avec Gabriel depuis des décennies connaissent le protocole dont Voncroft à fait par à son notaire.
Le corps va être expédié dans sa ville natale et familiale située en forêt noire. Le parfait endroit pour reposer en paix. Il sera ensuite pris en charge par le thanatopracteur qu'il a choisi là-bas et son cercueil sera placé dans le caveau familial.
À la demande du défunt, le corps est exposé à la morgue durant deux heures afin de permettre à ceux qui le souhaitent, de venir lui dire adieu.
Les agents des pompes funèbres sont là, il y en a quatre et avec eux l'inspecteur Danilov, curieux de savoir qui va se déplacer pour voir la dépouille de Gabriel Voncroft.
Certains villageois ayant eu recours à ses services sont venus rendre un dernier hommage et sont repartis aussitôt. Mais alors qu'il ne reste que vingt minutes avant l'expédition de la dépouille. Raphaël voit entrer, vêtu d'une simple robe noire à fine bretelle, une jeune femme brune aux longs cheveux raide, les yeux gris clair smokey de noir. Elle s'avance vers le défunt, tremblante d'émotions.
Elle est accompagnée du notaire, un homme bedonnant aussi rond que ces lunettes de vue.
Gabriel est là, allongé dans un cercueil de satin noir et d'un bois acajou laqué. Il est vêtu de son éternel costume de croquemort noir, rehaussé d'une chemise violette.
Raphaël la regarde intensément. Malgré la simplicité de sa robe, elle dégage une sensualité manifeste. Il comprend tout à coup ce qui a pu rendre fou d'amour Gabriel.
Son regard est triste. Se pourrait-il qu'elle ait encore des sentiments pour le croquemort ?
Elle touche la main de Gabriel, mais la retire aussitôt.
- Il est si froid !, dit-elle, étonné, auprès des agents des pompes funèbres qui la regardent avec intensités. Ils savent eux aussi qui elle est. Ce mannequin international que Voncroft a bien connu.
- Oui madame, c'est normal. Nous allons bientôt refermer le cercueil afin qu'il puisse partir pour l'Allemagne.
- Faites... attendez !, dit-elle alors qu'elle allait repartir.
Elle se penche vers Gabriel et dépose un baiser sur sa bouche glacé. En son for intérieur, ce baiser veut dire : à bientôt.
Alors qu'elle se détourne pour partir, Raphael se lève et va vers elle.
- Madame, j'ai besoin de m'entretenir avec vous. Dit-il en montrant sa carte d'inspecteur. Pourrions-nous prendre un café à la Taverne ?
Cyréis ne dit pas un mot, mais acquiesce juste de la tête.
Le notaire leur emboite le pas et stipule à Cyréis qu'il la verrait plus tard pour finaliser les modalités du testament.
Les quatre agents se décident à refermer le cercueil. L'un d'eux dit vers Gabriel :
- Tu as de la chance Gaby, d'avoir pu connaitre une femme aussi belle et sexy ! dommage que tu sois mort.
- Oui, mais il a eu droit à un dernier baiser ! rigole un second.
- Vous ne trouvez pas étrange que le corps n'ait pas été préparé ? dit le troisième.
- Il le sera surement en Allemagne. Bon après avec le temps du trajet il ne sera plus très frais...quel horreur.
Le cercueil refermé, il est mis dans un corbillard en direction de la gare où il prendra le train pour l'Allemagne.
Cyréis et Raphael s'installent à la Taverne où se trouve déjà Orphel et Eden.
L'Elfe prend leur commande. De loin, Eden surveille Cyréis comme à son habitude.
L'inspecteur lui demande alors :
- C'est votre garde du corps le grand blond ?
- Non et oui un peu. C'est un ami. Que voulez-vous savoir inspecteur…?
- Danilov, mais appelez-moi Raphael. Gabriel Voncroft et vous avez été très proche, n'est-ce pas ?
- Nous avons été amants il y a dix ans de cela. Mais depuis plus rien.
- Vraiment ? je suis allé inspecter votre maison que tout le monde nomme la "Cabane" et j'y ai vu des impacts de balles dans la chambre.
- Qui vous a permis d'entrer chez moi ?
- Je venais vous voir, mais visiblement, vous n'y vivez plus depuis plusieurs jours.
- C'est donc un interrogatoire déguisé en pause gouter ?
Raphaël sourit.
- Je comprends Voncroft, ce n'est pas que votre beauté qu'il aimait, mais votre rapidité d'analyse et votre intelligence. Vous n'êtes soupçonnée de rien Naomi, mais, Gabriel l'était. Je vais aller droit au but avec vous. Pensez-vous que Gabriel à tuer sa femme ?
Cyréis baisse les yeux vers le thé que vient de déposer Orphel devant elle.
Elle attend qu'il dépose la bière pour l'inspecteur et qu'il s'éloigne.
-J'en suis persuadé, inspecteur. Gabriel était un obsessionnel et il l'était avec moi. D'où les impacts de balles dans ma chambre et le fait que je ne vis plus là-bas.
- Il vous a agressé ?
- Non, mais il ne voulait pas quitter les lieux.
- Vous êtes radicale comme femme. Je vous demande de ne plus faire cela, c'est interdit par la loi. Dit-il en buvant une gorgée de sa bière ambrée.
- Si vous soupçonnez Gabriel Voncroft d'être un assassin, vous comprenez mon acte, aussi illégal soit-il.
- Il a laissé un testament dans lequel il vous lègue sa maison et le cimetière, n'est-ce pas ?
- Oui, triste héritage.
- Que comptez-vous en faire ?
— Je n'en veux pas. Je vais revendre l'endroit à un nouveau thanatopracteur. Après notre entretien, je rédigerai l'annonce.
- Il a laissé un mot pour vous en allemand aussi, non ?
- Je ne parle pas allemand.
Raphaël sait qu'elle ment, mais fait semblant de la croire.
- Je vais vous le traduire alors.
- Vous parlez allemand ?
- Oui. Dit-il en souriant.
Il sort son téléphone portable où il a visiblement gardé en photo le message.
"L'amour me fait mal. Pourquoi ne retombes-tu pas amoureuse de moi ? L'amour que nous avons fait hante mes pensées. En ta présence, le souffle me manque et aujourd'hui, c'est ce manque qui me tue. Tout est noir, mes pensées, ma vie, mon âme, mon cœur, les choses que je n'ai jamais dites, mais que j'ai faites. Je suis à toi pour toujours. "
Cyréis reste impassible.
- Pour toujours, d'où lui vient cette notion d'éternité ? Avez-vous encore des sentiments pour lui Naomi ?
Une larme coule le long d'une de ses joues.
- En ai-je seulement le droit, inspecteur ? Peut-on aimer un monstre ? Mais j'en suis un aussi, car à cause de moi, Éléonore Voncroft a été assassinée.
- Vous êtes tombée amoureuse d'un homme qui à l'époque était bien sous tout rapport. Il était séduisant, mais marié. Ce n'est pas votre faute, si on peut dire par amour, il a supprimé sa femme dans l'espoir d'être tranquille avec vous. La suite des meurtres, vous n'y êtes pour rien. Je pense que Gabriel Voncroft avait le gout du sang. J'ai même cru qu'il avait supprimé Lili Lamarre, mais elle était chez lui et bien vivante apparemment.
- Le gout du sang oui... dit-elle ironiquement Lili ? Cela fait des jours que je n'ai pas de ses nouvelles.
- Quand l'avez-vous vu la dernière fois ?
- C'était à une soirée gothique dans ce manoir étrange où les gens semblent avoir aussi le gout du sang. Dit-elle délibérément pour mettre l'inspecteur sur une autre piste que la sienne.
- Vous êtes gothique ?
— Dans l'âme oui, de par mon métier, j'ai dû m'adapter, mais maintenant que je ne suis plus mannequin, je peux être juste moi-même.
- Les femmes gothiques sont sexy et ça vous va bien. Dit-il en la déshabillant du regard.
Au loin, Eden capte cette tension sexuelle qui ne lui plait pas du tout et se lève, mais Oprhel lui fait signe de rester calme.
- Fait confiance à Cyréis.
- Je me fous d'être sexy inspecteur. Je veux une vie simple et je pense que pour cela, je ne dois pas rester ici. Trop de souvenir, trop de mort. Ma mère, mon enfance, Gabriel...
- Votre ex-petit ami vous cherche également. Faites attention à vous. Faites attention avec Victor Wang.
- Comment le savez-vous ?
- Je ne lui dirais pas où vous vous trouvez, car lui aussi me semble obsessionnel et sa proximité avec la pègre asiatique n'est pas une bonne chose. Je peux le mettre sur une fausse piste pour vous.
- En échange de quoi ?
- Je n'oserai pas. Dit-il en lui faisant un clin d'œil.
Raphaël aurait bien aimé lui faire une proposition indécente, mais il se retient et Cyréis a vu l'alliance à son annulaire gauche.
- Je vous remercie inspecteur.
- Qu'allez-vous faire dans l'immédiat ?
- Je vais me rendre à la maison de Gabriel prendre des photos et quelques affaires que je ne souhaite pas voir entre les mains d'autres personnes.
- Oui, il y a des photos de vous deux assez... intime, je les ai laissés dans la boite qui se trouve sur sa commode, là où elles étaient.
- Vous les avez regardés. Dit-elle agacée.
- Ne m'en voulez pas. je suis un inspecteur, alors j'inspecte. Il n'y a rien de pornographique, on y sent l'amour que vous aviez l'un pour l'autre. Vous n'avez pas à rougir, vous êtes belle et sensuelle.
Sur ces paroles, Cyréis quitte la Taverne avec Eden.
Les maisons ont des odeurs. Celle de Gabriel sent encore le formol et la poussière.
Cyréis se rend directement dans la chambre, récupérer les photos.
Le parfum de Gabriel flotte dans l'air.
Il mettait Terre d'Hermès.
Le flacon est encore là à moitié plein ou vide selon votre humeur.
Elle le prend, l'ouvre et hume le parfum en s'asseyant sur le lit. C'est là que des images horribles lui viennent.
Elle voit Gabriel étranglé Lili jusqu'à la mort. Horrifiée, elle en fait tomber le flacon de parfum qui se répand sur le sol.
- Oh non Gabriel, qu'as-tu fait ?
Dehors, Eden c'est installé sous le porche en buvant une bière fraiche trouvée dans le frigo de Gabriel. Après tout, il n'en a plus besoin.
Tremblante, Cyréis décide d'en savoir plus et va dans le crématorium. Mais là, rien d'étrange, elle le voit juste faire son métier. Rien dans la salle de bain non plus. En revenant dans le salon, elle frôle le grand fauteuil et capte des images de l'Antiquité Grec et aussi un froid glacial.
Au passage, elle prend des photos de la maison pour son annonce de vente.
Il lui reste un endroit.
La cave.
Une simple porte s'ouvre sur un escalier de bois. Elle allume la lumière et descend prudemment. Les odeurs de la cave sont nauséabondes, comme une odeur de cadavre.
Cyréis cherche d'où cela peut venir. Elle trouve alors une porte dissimulée qui conduit vers une pièce cachée où il y a un autre crématorium. Il y a aussi des tonneaux d'où semble venir les odeurs de cadavre. Elle n'ose regarder dedans tant l'odeur est horrible.
Tremblante, elle s'avance vers le four.
À peine a-t-elle touché la pierre qu'elle y voit des centaines de cadavres, certains tués par Gabriel, d'autres par les vampires du manoir.
Cyréis se met à trembler et ne contrôle plus ses gestes tant les images sont terribles. Des femmes découpées, des hommes tranchés en deux, des innocents vidées de leur sang.
Elle pleure et la peur s'empare d'elle.
C'est là que la lumière s'éteint brusquement. C'est le noir complet. Elle a toujours son téléphone à la main et tente de trouver la lampe torche dessus pour éclairer un minimum.
Elle sent que quelqu'un ou quelque chose l'observe. Elle balaye la pièce sinistre rapidement et capte un regard dans un coin. Les yeux sont révulsés de folie et elle devine un rictus malsain sur les lèvres de la chose qui la regarde fixement.
La peur et les tremblements lui font tomber le téléphone.
- Merde !! dit-elle.
Un rire moqueur de femme retentit alors. Elle récupère le téléphone et braque la lumière à nouveau sur le coin, mais la personne n'y est plus. Sa respiration est de plus en plus forte et sa peur grandit.
- ça fait quoi d'être seule dans le noir avec moi ? dit la voix juste derrière elle près du four.
Cyréis fait volte face.
Elle a reconnu la voix de Lili.
La lampe du téléphone se fixe sur la pâleur du visage de la jeune fille qui siffle en ouvrant la bouche tel un chat qui découvre ses crocs.
La vampire va pour se jeter sur elle lorsqu'elle recule, elle aussi, apeuré.
Cyréis sent un souffle glacial sur ses cheveux et un râle d'outre-tombe.
- Elle est à moi. Dit la voix désincarnée.
Lili siffle à nouveau en direction du fantôme d'Éléonore.
Cyréis est dans une posture délicate, mais Eden est là et allume la lumière depuis l'escalier. Lorsqu'il arrive, il voit la vampire et le fantôme prête à bondir sur Cyréis. Mais sa présence les fait fuir aussitôt et la lumière également. C'était moins une.
La belle se précipite dans les bras d'Eden.
- Partons d'ici ! et vite !
Lili qui est cachée dans le four les regardent partir en courant avec un sourire malsain.
Une fois dehors, ils reprennent leur souffle.
- On devrait bruler cet endroit. Dit Eden.
- D'abord, il faut que j'informe l'inspecteur pour le four caché. Mais oui, on devrait bruler cet endroit. Répond Cyreis en regardant une dernière fois la maison où elle aperçoit à une fenêtre le fantôme d'Éléonore.
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